Hommages



Jean-Yves Masson

 Paul Le Jéloux était, il est à jamais, à mes yeux, l’un des plus grands poètes de notre temps. Sûrement, de ma génération (à quelques années près), le plus doué, en tout cas le plus purement et exclusivement poète, car il n’a vécu pour rien d’autre que pour la poésie ; et même dans les longues périodes où il restait sans écrire, il vivait au milieu des poèmes et lisait inlassablement, avec passion. […] En 1983, L’Exil de Taurus, publié chez Obsidiane (où sont parus tous ses recueils) avait été pour beaucoup de lecteurs une révélation. Premier miracle amplement confirmé, en 1990, par Le Vin d’amour, son premier grand chef-d’œuvre. C’est cette année-là que je l’ai connu, après avoir écrit un article enthousiaste sur ce livre qui ne ressemblait à aucun autre, par sa forme autant que par son climat spirituel. A trente-cinq ans […] Paul était d’une beauté rimbaldienne, avec le même passé immémorial de paysannerie que Rimbaud. Un Breton, comme Rimbaud était Ardennais. Amoureux des langues qu’il avait apprises, à commencer par le breton, justement. Il traduisit plusieurs poètes irlandais et aussi des poèmes de David Gascoyne. 

Vingt-cinq ans d’amitié, de lectures communes, d’échanges, devaient aboutir à la parution de son prochain recueil dans la toute petite maison d’édition que je viens de fonder avec mon ami Philippe Giraudon. Il venait de nous envoyer le manuscrit par internet. Nous le publierons, mais hélas sans lui. Maintenant, je relis ses lettres, ses poèmes, et j’éprouve déjà son absence comme une immense blessure parce que sa voix est cruellement devenue cette « voix sans personne » dont parlait Jean Tardieu. Difficile de ressentir plus physiquement à quel point c’est à l’heure de la mort que l’œuvre, si « dés-œuvrée » ait été sa genèse, devient œuvre. [...]

30 décembre 2015


François Boddaert

Paul Le Jéloux est né à Pontivy en 1955. Ses parents s'étant installés en région parisienne, il fait ses classes primaires à Antony, puis fréquente le lycée de Massy-Verrières. Il étudie ensuite l'anglais à Paris III, où il obtient une licence. Il fréquente alors Roland Barthes et son entourage. Il part enseigner le fiançais à Londres puis revient à Paris comme professer d'anglais dans des institutions privées. Il ira ensuite enseigner à Madagascar et à Brazzaville. Revenu en France, il vivra en Bretagne, à Lanhelin puis à Dôle.

Parallèlement à sa carrière d'enseignant, il crée, avec un petit groupe d'amis, parmi lesquels le poète anglais Stephen Romer ,la revue bilingue franco-anglaise Twofold ; il collabore aussi aux revues Poésie 84, Obsidiane etTraverses, tant comme poète que comme traducteur, et se lie avec des poètes de sa génération : Jean-Claude Caër, Patrick Maury, Jean-Yves Masson et Emmanuel Moses. Très attaché aux poètes bretons, il lit et relit Maodez Glandour, Angéla Duval, J.P. Calloc'h ou encore Paol Keineg.

Bien que se tenant assez à l'écart depuis son installation en

Bretagne, Paul Le Jéloux donne parfois des poèmes dans des

revues, dont Le Mâche-Laurier, et récemment dans la revue

électronique Secousse.

Il bénéficie d'une longue étude de Jean-Yves Masson dans

le Dictionnaire de la poésie française de Baudelaire à nos

jours (2001).

2016


Jacques Damade

Poète, Il voyait les choses. Le tissu du langage, ses moires, était aussi tissé par les Parques. Un mot désobligeant et toute une nuée de corbeaux s'abattait sur lui. Il en tirait toute la cendre sans juger un moment qu'elle pouvait être en l'air, l'instant d'une humeur ou même un jugement réprobateur dont celui qui l'avait prononcé ne distinguait pas ce que Paul découvrait en l'entendant. Cependant, cette attention quasi biblique à la parole créait chez kir le talent d'un poète et une drôlerie que je n'ai vue nulle part. Soudain et par je ne sais quelle opération mentale, Paul se mettait à imiter comme un neveu de Rameau ses proches, un voisin, dressant devant vous une scène au coin d'une table et l'on mettait du temps à comprendre que cette attention périlleuse à la parole d'autrui, périlleuse parce qu'elle le blessait profondément , le transperçait comme un sait Jean-Baptiste martyr était cette même plasticité qui lui permettait de jouer l'autre, mais cette fois, comme une version heureuse, un positif photographié d'une justesse et absolument pas blessant comme un gant qui se retourne. Quel effort sans doute et invisible pour extirper l'ombre de la lumière... Alors il y avait ses beaux yeux clairs et son sourire qu'on ne pouvait pas s'empêcher d'aimer et ces rires qui fusaient, irrésistibles, autour de lui. Cette espèce de réserve qu'il avait souvent d'être ce poète, cet acteur en coulisse qui métamorphosait une souffrance un enchantement tout en gardant — et là on n'est pas dans le sens usuel de l'enchantement— une exactitude, une précision, quelque chose que l'on avait entre vu sans le voir. On était au théâtre, à la comédie et je ne parle pas ici de Paul poète qui est un autre sujet riche plus riche encore, mais de Paul que j'ai connu au coin d'une table, en conversation, assis à côté de moi, à côté de nous.

2016


Vous Souhaitez Proposer Vôtre Hommage ?

 

Contactez-Nous

------------------------------------